Une recherche illumine la boussole interne du cerveau

Le 22 mars 2023 

Une nouvelle étude menée par Dr Mark Brandon, chercheur au Centre de recherche Douglas et professeur agrégé à l’Université McGill, et publiée dans la revue Nature, explore la façon dont la boussole interne du cerveau s’aligne avec son environnement. Ces résultats représentent déjà une avancée significative dans la compréhension fondamentale de la façon dont le cerveau s’oriente dans l’espace, qui a été liée à diverses fonctions et troubles cognitifs, tels que la maladie d’Alzheimer. 

« L’un des premiers symptômes cognitifs déclarés de la maladie d’Alzheimer est la désorientation et la perte de repères, même dans des environnements familiers. »
— Dr Mark Brandon, auteur principal
 

Les chercheurs espèrent qu’une compréhension mécanistique du fonctionnement de la boussole interne du cerveau et du système de navigation permettra une détection plus précoce et une meilleure évaluation des traitements de la maladie d’Alzheimer.  

«Nous sommes très enthousiasmés par l’importante découverte faite par Mark Brandon et ses collègues. Mieux comprendre comment le cerveau traite les informations pour orienter l’organisme dans l’espace et lui donner un sens de la direction représente une avancée majeure.»
— Dr Gustavo Turecki, directeur scientifique, Centre de recherche Douglas
 

Découvrir comment les cellules d’orientation de la tête orientent la direction dans notre cerveau 

Notre sens de l’orientation est attribué à un groupe spécialisé de cellules cérébrales appelées cellules « head-direction » (HD), qui servent de boussole interne au cerveau. Le maintien d’une représentation interne stable de la direction est essentiel à la survie d’un animal et, pour cela, la recherche d’un cadre de référence fiable dans l’environnement est un problème que le cerveau tente constamment de résoudre. Jusqu’à présent, des obstacles techniques ont limité la capacité des scientifiques à comprendre le fonctionnement de cette boussole interne.  

L’étude de Dr Brandon a été menée en étroite collaboration avec Dr Zaki Ajabi, chercheur postdoctoral à l’université de Harvard et ancien doctorant du laboratoire de Dr Brandon, ainsi qu’avec Dr Xue-Xin Wei, neuroscientifique informatique et professeur adjoint à l’Université du Texas à Austin.  

« La recherche en neurosciences a connu une révolution technologique au cours de la dernière décennie – les dernières méthodes d’enregistrement et d’analyse des neurones nous permettent de poser et de répondre à des questions dont on ne pouvait que rêver il y a quelques années. »
— Dr Mark Brandon
, auteur principal 

C’est la première fois que des neuroscientifiques parviennent à enregistrer simultanément des centaines de neurones en adaptant une technologie de pointe, ce qui représente une augmentation d’un ordre de grandeur par rapport à des études antérieures. Cela leur a permis de découvrir des dynamiques de population inattendues dans le système HD et de donner un nouvel aperçu des interactions entre la boussole interne et l’environnement visuel. En utilisant une technologie de pointe et une modélisation statistique, les chercheurs ont découvert que l’amplitude des fluctuations globales de l’activité neuronale, appelée « gain de réseau », déterminait la vitesse à laquelle la boussole interne du cerveau pouvait se réorienter.  

Les auteurs émettent l’hypothèse que ces fluctuations reflètent un mécanisme général utilisé dans les systèmes cérébraux pour gérer les transitions entre les états. En tant que tels, les résultats rapportés ont des implications significatives pour la compréhension de la base neuronale du sens de l’orientation et de la manière dont la boussole interne du cerveau est stabilisée dans un environnement visuel changeant.  

En plus d’être pertinents pour les changements cognitifs associés à la maladie d’Alzheimer, les auteurs affirment que leurs résultats sont également pertinents pour les individus en bonne santé qui, comme les animaux de cette étude, peuvent se retrouver dans des situations d’expérience visuelle non naturelles, en particulier avec la diffusion rapide de la technologie de la réalité virtuelle.  

« Ces résultats pourraient éventuellement expliquer comment les systèmes de réalité virtuelle peuvent facilement prendre le contrôle de notre sens de l’orientation. »
— Dr Zaki Ajabi, premier auteur de l’étude.
 

Identification d’un bouton de réinitialisation pour une réorientation rapide de la direction de la tête  

Ensemble, les auteurs ont montré que l’imagerie calcique de l’activité collective des neurones thalamiques de direction de la tête pouvait être utilisée pour décoder avec précision la direction réelle de la tête d’une souris.  

Le Dr Wei a développé des approches de modélisation informatiques et statistiques pour comprendre la fonction des circuits neuronaux. L’équipe a appliqué une technique statistique récemment mise au point par Wei et ses collègues pour analyser les données d’imagerie calcique et a constaté qu’elle était en mesure de décoder avec précision la direction interne de la tête, avec une erreur de quelques degrés seulement.  

« En intégrant des enregistrements neuronaux à grande échelle et des outils d’analyse de données avancés, nous puissions lire la direction de la tête de l’animal à partir de l’activité neuronale avec une telle précision. »
— Dr Xue-Xin Wei, co-auteur
 

La capacité de décoder avec précision la direction interne de la tête de l’animal a permis aux chercheurs d’examiner comment le système HD soutient la réorientation dans des environnements ambigus. Ils ont ainsi constaté que ce sont les gains de réseau qui déterminaient la vitesse à laquelle la boussole interne du cerveau pouvait se réorienter. Les chercheurs ont découvert que l’activité des neurones HD permettait de connaître l’emplacement d’un repère visuel présenté antérieurement, même après que soit éteint son affichage sur l’écran circulaire entourant l’animal (c’est-à-dire dans l’obscurité). En effet, les cellules HD qui se déclenchaient préférentiellement lorsque l’animal faisait face à un repère visuel antérieur conservaient des niveaux d’activité élevés dans l’obscurité, alors que le reste des neurones subissait une réduction significative de leur activité.  

Cette trace mémorielle de repères visuels indique que la boussole interne est plus complexe qu’une construction unidimensionnelle permettant de suivre la direction actuelle de la tête de l’animal et que le gain du réseau, en tant que dimension secondaire dans l’espace de représentation du système HD, contient des informations supplémentaires sur l’expérience visuelle passée. Les auteurs supposent que ces traces mnésiques peuvent aider à stabiliser la représentation interne de la HD même lorsque des indices visuels fiables sont temporairement absents.  

Perturber la représentation spatiale interne pour identifier les réseaux clés 

Pour comprendre dans quelle mesure les informations visuelles ont un impact sur le système HD, les chercheurs ont exposé des souris à un repère visuel en rotation continue (au lieu d’un repère en déplacement discret). Dans cette situation de conflit constant entre l’auto-mouvement et les informations visuelles, ils ont constaté que le repère rotatif exerçait un contrôle total sur les neurones HD, induisant une rotation continue de la représentation HD interne. De manière inattendue, le réseau HD a continué à tourner à une vitesse angulaire similaire à celle du repère visuel, même après son retrait. Cela indique que le système HD se réadapte aux changements artificiellement imposés dans la relation entre l’auto-mouvement et le flux optique, peut-être par le biais d’un mécanisme qui permet un recalibrage dépendant de l’expérience de l’intégration de l’entrée vestibulaire.  

Ces résultats ont incité l’équipe de recherche à développer de nouveaux modèles informatiques pour mieux comprendre les mécanismes sous-jacents. Ils ont découvert que leurs principales observations expérimentales pouvaient être expliquées en généralisant une classe de modèles de réseaux (appelés modèles d’attracteurs en anneau) afin d’intégrer les fluctuations de gain et la plasticité synaptique qui associe les neurones HD et la scène visuelle. Ce faisant, la modélisation génère également de nouvelles prédictions qui devront être testées dans de futures expériences.  

« Ce travail est une belle démonstration de la façon dont l’intégration étroite des approches expérimentales et informatiques peut faire progresser notre compréhension des mécanismes des circuits neuronaux qui soutiennent le comportement. Une question intéressante en suspens est de savoir si le type particulier de modulation du gain observé représente en fait une stratégie optimale pour le système afin de contrôler le comportement de réorientation. »
— Dr Xue-Xin Wei, co-auteur 

Cette nouvelle recherche a été soutenue par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et les Instituts de recherche en santé du Canada.  

Pour les demandes de renseignements des médias, contacter le Dr Mark Brandon.  

Pour le Communiqué de presse de McGill

Pour le Communiqué de presse de University of Texas at Austin Press Release