Le 22 mai 2023
Une navigation réussie nécessite des informations sur le monde extérieur et notre perception des mouvements du corps (également appelés indices d’auto-mouvement, qui comprennent le feedback vestibulaire, la proprioception et le flux optique). Une étude récente du laboratoire du Dr Mark P. Brandon a porté sur un modèle murin de la maladie d’Alzheimer et a révélé qu’avant l’expression des plaques amyloïdes-bêta (une caractéristique de la pathologie à un stade avancé), les cellules de grille des souris atteintes de la maladie d’Alzheimer présentaient de nombreuses déficiences de codage liées à l’incapacité de l’animal à intégrer les indices d’auto-mouvement. Ces résultats suggèrent que les déficits de navigation spatiale chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer à un stade précoce sont dus à la difficulté de traiter les informations relatives au mouvement de l’individu dans l’espace plutôt qu’au monde extérieur lui-même. L’article, intitulé “Grid cell disruption reflects reduced integration of self-motion cues in an early Alzheimer’s disease mouse model”, a été publié cette semaine dans Current Biology.
Lorsque nous naviguons dans le monde, les cellules de grille d’une région du cerveau appelée cortex entorhinal médian se déclenchent en de multiples endroits dans l’espace, formant un réseau hexagonal périodique qui couvre l’ensemble de l’espace, un peu à la manière d’un système GPS interne.
Notre recherche contribue à clarifier la perturbation de ce système de coordination interne dans la pathologie précoce de la maladie d’Alzheimer.
– Dr Mark Brandon, Chercheur au Centre de recherche du Douglas, professeur associé à l’Université McGill et chercheur correspondant de l’étude
Le code spatial périodique fournit un système de coordonnées de position interne qui nous aide à naviguer. Une étude précédente du laboratoire du Dr Brandon a montré que les cellules de la grille étaient perturbées pendant les premiers stades de la pathologie dans un modèle de souris atteinte de la maladie d’Alzheimer, fournissant les premières preuves suggérant que les cellules de grille pourraient être à l’origine des déficits de navigation spatiale communément rapportés chez les individus en phase préclinique.
Cependant, ces déficits de navigation précoces sont-ils dus au fait que l’individu ne peut pas percevoir avec précision les informations relatives au monde extérieur ou à son propre mouvement dans l’espace ? Les cellules de grille offrent une occasion unique de répondre à cette question au niveau cellulaire, car les informations environnementales et les indices d’auto-mouvement constituent tous deux des sources d’entrée nécessaires au maintien d’une activation régulière des cellules de grille.
L’étude de suivi menée par Johnson Ying, étudiant en doctorat, visait à déterminer si la perturbation du déclenchement des cellules de grille au cours de la pathologie précoce de la maladie d’Alzheimer est attribuable à une intégration réduite des indices d’auto-mouvement ou des informations sur l’environnement.
Les auteurs ont montré que le déclenchement des cellules de grille étaient spatialement instables lorsque les souris atteintes de la maladie d’Alzheimer erraient vers le centre de l’arène carrée – une région où la rareté des repères environnementaux oblige l’animal à s’appuyer sur son propre mouvement pour maintenir son sens de la localisation.
Ces observations montrent qu’une perturbation de l’intégration des indices d’auto-mouvement pourrait être un signe précoce de la maladie d’Alzheimer.
– Dr Mark Brandon
En revanche, l’activité des cellules de grilles était normale lorsque les souris atteintes de la maladie d’Alzheimer naviguaient près des bords, qui constituent des points de repère importants permettant à l’animal de s’ancrer dans son environnement. L’instabilité de l’activité des cellules de grille vers le centre, mais pas vers les bords, suggère fortement que les souris atteintes de la maladie d’Alzheimer ne peuvent pas intégrer efficacement les repères d’auto-mouvement.
Une analyse plus approfondie a révélé que le code spatial des cellules de grille des souris atteintes de la maladie d’Alzheimer n’était plus purement hexagonal, mais adoptait une structure carrée ressemblant à la disposition géométrique de l’arène. En d’autres termes, les cellules de grille des souris atteintes de la maladie d’Alzheimer semblent s’appuyer davantage sur les caractéristiques du monde extérieur que sur des indices d’auto-mouvement. Comment cela peut-il nuire aux performances de navigation au stade précoce de la maladie d’Alzheimer ? La structure hexagonale est supérieure à la structure carrée en termes de résolution angulaire et de fréquence d’échantillonnage entre les sommets. Pendant la navigation, les sommets de 60° permettent une mise à jour plus fréquente de la direction, ainsi que du déplacement spatial entre les points d’intersection.
La maladie d’Alzheimer est incurable, en partie parce que les traitements sont administrés trop tardivement. L’échec de nombreux essais cliniques sur la maladie d’Alzheimer souligne la nécessité de disposer de marqueurs permettant d’identifier les individus présentant un risque précoce. Au cours de la dernière décennie, les déficits de navigation spatiale sont apparus comme l’un des marqueurs comportementaux les plus sensibles des premiers stades de la maladie d’Alzheimer.
Ces résultats confirment le potentiel des tâches de navigation spatiale pour la détection précoce de la maladie d’Alzheimer. Ils soulignent la nécessité de tâches spécialisées axées sur les indices d’auto-mouvement, offrant ainsi un espoir pour la compréhension des mécanismes de la maladie d’Alzheimer à un stade précoce.
– Dr Mark Brandon
Les résultats de cette étude ne justifient pas seulement la mise en œuvre de tâches de navigation spatiale en clinique en tant que marqueur comportemental sensible des premiers stades de la maladie d’Alzheimer, mais soulignent spécifiquement le besoin de tâches spatiales spécialisées qui examinent la capacité du patient à naviguer en s’appuyant uniquement sur des indices d’auto-mouvement.
Lire l’article complet ici : Ying J, Reboreda A, Yoshida M, Brandon MP. Grid cell disruption in a mouse model of early Alzheimer’s disease reflects reduced integration of self-motion cues. Current Biology. Publié: le 22 mai 2023