Pendant des décennies, les scientifiques ont cru que notre mémoire des événements fonctionnait en créant d'abord un code neuronal pour cet événement, puis en rétablissant plus tard ce code lors de la remémoration de cet événement. Cependant, des travaux récents basés sur une nouvelle technique puissante appelée « imagerie calcique » ont remis en question ce point de vue, montrant qu'au fil des semaines et des mois, de nombreuses parties du cerveau utilisent en fait un code neuronal étonnamment différent pour représenter leur contenu. Cela inclut l'hippocampe, une plaque tournante clé pour la mémoire des événements, où les cartes mentales du même espace continuent de changer avec le temps. Ces sortes de représentations de la mémoire changeantes ou « dérivantes » peuvent signifier beaucoup de choses différentes, et à l'heure actuelle, les scientifiques du monde entier essaient de comprendre à quel point ces changements sont aléatoires ou organisés.
Dans ce travail, le Dr Mark Brandon et son équipe abordent directement cette question. Dans un travail dirigé par Alexandra Keinath et publié dans Nature Communications, l'hippocampe de souris a été enregistré avec l'imagerie calcique alors que ces souris exploraient à plusieurs reprises des environnements Lego similaires spécialement choisis. Au cours de plus d'un mois d'expériences, ils ont suivi leurs codes neuronaux et ont découvert que leurs cartes mentales de ces lieux changeaient, non pas au hasard, mais d'une manière très particulière. Cette organisation particulière permet au cerveau de savoir où se trouve la souris sans avoir à faire de travail supplémentaire, malgré tous les changements en cours de leurs codes neuronaux. De plus, leurs données suggèrent que ces changements pourraient eux-mêmes représenter quelque chose d'intéressant, comme le temps ou l'expérience intermédiaire, au-delà de la carte mentale elle-même, d'une manière inattendue, soulevant ainsi de nouvelles questions pour les travaux futurs.
En prenant un peu de recul, ce travail montre qu'il ne suffit pas de voir les changements dans un code neuronal pour tirer des conclusions sur ce que représente ce code neuronal. Il est donc particulièrement important que nous utilisions des expériences soigneusement conçues comme celle-ci pour caractériser la structure de la dérive des codes neuronaux dans tout le cerveau lorsque nous essayons de comprendre comment cette dérive affecte la mémoire et la perception.
Comme tout travail scientifique, cette étude a aussi ses limites. Une grande limitation est qu'il ne peut parler que de l'organisation de la dérive neuronale pour les environnements que les souris ont explorés. Par conséquent, il est possible que le type de structure que nous avons observé ne se produise que pour des représentations d'environnements similaires. Dans ce cas, les chercheurs devaient enregistrer à partir de ces environnements similaires pour des raisons techniques, mais cette limitation pourra peut-être être surmontée dans des travaux futurs.
Une autre limitation plus générale s'applique actuellement à tous les travaux sur la dérive neuronale. À l'heure actuelle, nous connaissons quelques exemples de dérive neuronale et quelques exemples de représentations à long terme extrêmement stables dans différentes régions du cerveau chez diverses espèces, telles que les souris, les oiseaux et les singes. Cependant, il reste à voir si nous observerons des phénomènes similaires dans le cerveau humain, et si oui, si la structure de la dérive neuronale ressemble à celle de nos amis les rongeurs.
Au cours de ce travail ATK a été soutenue par une bourse postdoctorale CFREF de l'Université McGill Cerveaux en santé, Vies en santé et une bourse postdoctorale Banting du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG). CAM a été soutenu par une bourse postdoctorale du Fonds de Recherche du Québec – Santé (FRQS). Le financement a été fourni par les Instituts de recherche en santé du Canada (subventions de projet nos 367017 et 377074), le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (subvention à la découverte no 74105), le Programme des chaires de recherche du Canada et la Fondation Brain Canada (Future Leaders en science du cerveau au Canada) à MPB.